1. Qu'est-ce qu'un groupe social ?
La vie sociale ne se résume pas à un face-à-face entre les individus et « la » société : les premiers sont en effet toujours insérés au sein de divers groupes sociaux. Ces regroupements sont cependant de taille et de nature très différente : ils peuvent réunir de deux à plusieurs milliards de personnes (l'humanité !), leurs membres peuvent tous se connaître (comme les camarades d'une même classe) ou non (élèves d'un même lycée), s'être rassemblés volontairement (membres d'une association) ou non (membres d'une famille), de manière plus ou moins durable, et enfin pour des motifs variés (un goût partagé, une activité collective, des idéaux partagés, un intérêt commun, etc.) qui, sont fréquemment le support d'une identité sociale partagée, d'autant plus forte qu'elle est reconnue à la fois par eux et par les personnes extérieures au groupe. On peut distinguer notamment les groupes « primaires » , définis comme des ensembles de personnes qui se connaissent toutes et se fréquentent de manière relativement régulière (cas d'une famille, d'un groupe de pairs, des élèves d'une même classe, etc.), et les groupes « secondaires », dont les membres partagent certaines propriétés communes, s'identifient et sont identifiés comme appartenant à un même groupe en vertu de ces dernières, mais sans forcément se connaître (cas des membres d'une même profession, d'un syndicat, des supporters d'un même club de football, etc.). L'intensité des liens au sein de ces groupes dépend ainsi largement des variables présentées précédemment, et va elle-même déterminer la force de la socialisation que le groupe va exercer sur ses membres (voir chapitre précédent). Chaque individu appartient en effet simultanément à plusieurs groupes, qui vont chacun exercer une influence sur ses manières de sentir, d'agir et de penser. Les groupes secondaires n'ont cependant pas forcément un rôle moins fort que les groupes primaires en la matière. Un bon exemple en est donné par les classes sociales telles que Karl Marx les a mis en évidence. Celles-ci regroupent les personnes partageant une position similaire dans la division du travail, où dominent les propriétaires de moyens de production tandis au détriment de celles et ceux qui n'ont que leur force de travail à échanger. Si, du fait notamment des conditions de vie voisines dans lesquelles ils sont placés (classe « en soi »), les membres d'une même classe ont des pratiques et des goûts souvent proches, ils n'ont pas forcément la conscience de former une même classe (classe « pour soi »), comme le notait déjà Karl Marx.
2. Les PCS, simple agrégat statistique ou véritable groupe social ?
La position dans la division du travail exerce donc des effets qui dépassent largement le seul cadre de l'activité professionnelle et renseignent sur le mode de vie des personnes concernées. C'est en partant de ce constat que les statisticiens de l'INSEE ont mis en place pour leur part une classification des Professions et catégories socio-professionnelles (PCS). Celle-ci distingue ainsi 497 professions différentes qui peuvent elles-mêmes être regroupées en 8 grands groupes socio-professionnels (agriculteurs exploitants, ouvriers, employés, etc.) en fonction de différents critères (statut salarié ou indépendant, niveau de qualification, position hiérarchique, taille de l'organisation productive, etc.). Toutefois, si cette catégorisation permet de rendre compte de nombreuses différences en matière de pratiques ou de préférences bien au-delà du métier, la division du travail est évolutive (des métiers déclinent, d'autres apparaissent, et le contenu de la plupart se transforme) et se pose périodiquement la question de savoir si cette classification doit être actualisée, et comment. Aujourd'hui, les différents instituts statistiques nationaux des pays membres de l'Union Européenne sont ainsi en train d'essayer d'élaborer une nomenclature commune, mais d'autres contestent la pertinence même d'une telle classification, affirmant que l'affiliation à d'autres groupes sociaux aurait pris le pas sur l'appartenance professionnelle, voire que les individus se seraient affranchis de leurs différents groupes sociaux. Reste que l'appartenance socio-professionnelle joue bel et bien encore un rôle prédictif important dans la différenciation des pratiques et des préférences dans bien des domaines.
3. Les couples se forment-ils au hasard ?
Les choix conjugaux représentent justement l'un de ces domaines. Comme le révèlent les enquêtes statistiques, la probabilité de former un couple avec une personne originaire de la même PCS que soi est plus importante que celle qui devrait être si les couples se formaient au hasard. Cette homogamie persistante en dépit de la mise en avant croissante des sentiments amoureux pour justifier les « choix » conjugaux illustre le poids du milieu social dans la formation des valeurs et des goûts. Cette force de l'adage selon lequel « qui se ressemble s'assemble » peut du reste être étendue pour une grande part aux autres formes de sociabilité et explique aussi de ce fait comment les groupes sociaux peuvent se former et se reproduire d'une génération à une autre : les parents vont ainsi souvent transmettre à leurs enfants des préférences qui vont les encourager à fréquenter des personnes proches d'elles, et fréquemment de fréquenter des groupes sociaux similaires aux leurs, qu'il s'agisse d'établissements scolaires, de clubs sportifs, de partis politiques, de syndicats, etc. N’importe qui ne se rencontre donc pas n’importe où.
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