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Activité 2 - La rémunération au rendement : source de conflit ou de coopération ?

Objectifs :
- Analyser un texte long
- Introduire à une méthode sociologique : l’observation participante
- Introduire aux théories de l'agence et des asymétries d'information en économie

 

Document 1 - Une sociologie du groupe ouvrier à partir de la question du freinage

 

De novembre 1944 à août 1945, [le sociologue] Donald Roy est opérateur sur perceuse radiale dans un atelier d'usinage d'une usine métallurgique de la banlieue de Chicago. Assistant au séminaire d'Everett Hughes, celui-ci le convainc d'utiliser cette expérience de travail comme terrain d'enquête pour sa thèse. Pendant dix mois, Donald Roy va ainsi prendre quotidiennement des notes sur ce qu'il observe et sur les conversations qu'il a avec ses collègues d'atelier. Il publiera, à ce sujet, trois articles (en 1952, 1953 et 1954) qui composent sa thèse.

Celle-ci analyse le groupe ouvrier à partir de la question du freinage dans un contexte où les ouvriers sont payés au rendement à partir d'un certain nombre de pièces produites (en dessous, ils sont payés au salaire horaire de base). Le freinage (…) consiste en une limitation volontaire et collective de la production (…)

Comme tous les ouvriers de son atelier, Donald Roy façonne des pièces pendant la majeure partie de ses heures de travail. Les pièces à usiner peuvent varier d'un jour à l'autre et même au cours d'une même journée. A chaque tâche qui lui est confiée correspond un tarif de base 185 cents de l'heure pour un nombre de pièces donné (disons cent pièces, même si Donald Roy ne précise rien à ce sujet). Si l’opérateur réalise cent pièces en une heure, il gagne à tous les coups le tarif de base, 85 cents ; mais, « s'il s'en sort » c'est-à-dire s'il dépasse le rendement correspondant au tarif de base, il peut gagner plus de 85 cents de l'heure, la direction ajoutant une prime par pièce supplémentaire produite. Tels sont les attendus de la direction.

En devenant un « gars de l'atelier ››, Donald Roy comprend rapidement qu'il doit se soumettre à un certain « quota ›› dans sa production. Son collègue Jack Starkey se charge par exemple de le rappeler à l'ordre le jour où il dépasse 1,25 dollar de l'heure. L'existence de pratiques de freinage au sein des ouvriers ne fait guère de doute pour lui. Mais, pour les objectiver, il note chaque jour son rendement et en établit la courbe afin de prouver qu'il n'a pas été aléatoire.

Il parvient à distinguer deux types de pratiques. Il démontre en effet, à partir de ses comptages, que son propre rendement a suivi une distribution bimodale : quand il s'en sort, sa production avoisine majoritairement les 125-134 cents de l'heure alors que, quand il produit moins que le nombre de pièces prévu pour le tarif de base, il calcule que sa production avoisine majoritairement les 35-54 cents (…). En d'autres termes, Donald Roy semble adopter deux modes de production distincts. Et il montre que ces deux façons de travailler se retrouvent chez les autres ouvriers de l'atelier. Il n'y a donc pas un seul mais deux modes de limitation collective de la production.

Il avance alors l’explication suivante : les ouvriers répartissent leurs heures de travail entre les « boulots juteux ›› et les « boulots pourris ». Supposons que la tâche A rapporte moins que la tâche B car il est plus facile avec la seconde de dépasser le tarif de base. L'opérateur concentre alors ses efforts sur la tâche B (un « boulot juteux ››), laissant tomber à 35-54 cents son rendement pour la tâche A (un « boulot pourri »). En outre, lorsqu'ils dépassent le tarif de base, les ouvriers ne vont pas au-delà d'un rendement commun : 125-134 cents de l'heure. Donald Roy peut ainsi nommer les deux formes de limitation collective de la production mises en lumière ; « respecter un quota » (quand le boulot est juteux) et « tirer au flanc » (quand le boulot est pourri). Il démontre ainsi la constance et l'importance de ces pratiques au sein du groupe des ouvriers.

Des gratifications sociales comme ressorts des pratiques informelles.

Un autre apport de la recherche de Donald Roy réside dans son analyse des ressorts de ces pratiques informelles. Dès le premier article, il propose une première explication, celle qui lui est fournie par ses compagnons d’atelier. Ceux-ci lui font comprendre dès le départ qu'il ne faut pas dépasser 1,25 dollar de l’heure sur un poste. Jack Starkey et d'autres lui expliquent que, s’il va trop au-delà du quota de 1,25 dollar (norme de production informelle du groupe, c'est-à-dire que se sont fixée les ouvriers indépendamment de celle exigée par l’encadrement), la direction se débrouillera pour modifier le tarif de base (en changeant par exemple l’installation) et baisser les prix. Il existe donc une norme de production en vigueur dans le groupe dont le ressort est la rationalité économique. (…) Donald Roy montre que les ouvriers ont tout à fait intégré les logiques financières de l'entreprise (« le pavillon du dollar flottait au grand mat au-dessus de chaque machine »).

Néanmoins, si la rationalité économique est bien la raison invoquée par le groupe ouvrier, Donald Roy considère qu’elle n’est pas nécessairement la cause des pratiques du respect du quota. Il propose de dépasser cette simple logique économique (il démontre par des contre-exemples qu'elle ne tient pas toujours) et de complexifier l'analyse des pratiques de limitation de la production. Pour lui, ces pratiques informelles sont constitutives des relations sociales qui s'instaurent à l'intérieur du groupe ouvrier.

Il montre tout d'abord que se fixer un quota est une manière pour les ouvriers d’introduire du jeu dans la monotonie de leur activité. La réalisation du quota transforme le travail en une partie excitante dans laquelle les ouvriers peuvent se communiquer leurs scores. Au cours de cette partie, les ouvriers démontrent aussi leur habileté, leur endurance. Autrement dit, le jeu des quotas procure des gratifications sociales à l'intérieur du groupe, comme la reconnaissance par les pairs d'un certain savoir-faire.

Mais ces gratifications sociales reposent également sur les relations avec les autres groupes et notamment avec l’encadrement (le Bureau des méthodes) : la partie ne se joue pas seulement contre le temps mais également contre ceux qui ont fixé le temps. « S'en sortir » est aussi une victoire contre la hiérarchie. Donald Roy écrit : « Pendant la période où j’ai consenti les plus gros efforts au travail et ou j'ai éprouvé du plaisir à mobiliser mon habileté et mon énergie [i.e. quand il s’efforce d'atteindre le quota], mon hostilité envers les chefs alla croissant, et mon opposition envers l'entreprise, à tout le moins, ne diminua pas ». Il résume ainsi les « satisfactions tirées d'une production au niveau des quotas » : «  1) jouer un jeu ; 2) profiter de temps libres, ce qui signifiait un certain degré de pouvoir sur les formes d'interaction ; 3) exprimer son agressivité vis-à-vis des groupes dirigeants et de certains membres de l’encadrement ; 4) susciter l’approbation ou éviter la désapprobation des membres du groupe d'appartenance ».

Enfin, Donald Roy élargit son analyse d'une mobilisation du groupe contre la hiérarchie, à l’occasion du jeu autour du quota, à l’ensemble des sous-groupes constituant l' « étage inférieur de la structure sociale de l'usine » : pour réaliser leur quota, les ouvriers trichent et ont besoin pour cela de la coopération de tous les autres (sous-)groupes ouvriers dont dépend leur travail (les régleurs, les contrôleurs de qualité, les magasiniers de l'outillage, les approvisionneurs et les pointeuses).

Source : Christelle AVRIL, Delphine SERRE, Marie CARTIER, « Enquêter sur le travail  - Concepts, méthodes, récits », La Découverte, 2010

 

A savoir : l’observation participante en sociologie

Le sociologue peut analyser la réalité sociale de différentes manières. L’observation participante est l’une de ces méthodes. Elle consiste en une immersion complète de l’observateur dans le milieu qu’il étudie. Il s’agit donc d’enquêtes de terrain qui impliquent une conception particulière de la recherche : le sociologue va adopter ici un comportement actif, se mêlant au quotidien de la population qu’il étudie. Il y vit pendant son étude, côtoie les acteurs sociaux dans leur quotidien… Remarque : cette méthode dérive en partie des méthodes anthropologique et ethnologique, tournées vers l’étude de sociétés « primitives ».

 

Document 2 - Gains monétaires et théorie des incitations en économie

La théorie des incitations montre qu’en l’absence d’un système incitatif, le salarié a intérêt à fournir l’effort minimum. Sachant cela, l’employeur pourrait ne pas embaucher et aucune relation de travail ne s’établirait.

Dans un contexte de risque moral [voir encadré], la théorie des incitations permet de définir le contrat optimal entre le principal (l’employeur) et l’agent (l’employé). L’idée de base est que la seule façon pour inciter l’agent à fournir de l’effort au travail est de créer un système de récompenses et de sanctions. La récompense tient principalement dans la rémunération et dans sa forme. (…) Dans l’optique de la mise en place d’un système d’incitation de type carottes-bâton, une rémunération variable est souvent préférée [à une rémunération fixe]. Ce type de rémunération, qui comprend souvent une part fixe, peut prendre plusieurs formes. (…)

La rémunération fixe est connue dés le départ. Elle est perçue régulièrement et est considérée comme sécurisante et fidélisante lorsque son montant est suffisant. La rémunération variable correspond au contraire à une perspective de gain, conditionnée par un effort ou une performance qui sera à l’origine de l’incitation. Elle est de plus en plus utilisée par les entreprises car elle est considérée comme plus motivante. (…)

Les effets sur l’effort d’un système de rémunération reposant sur la performance ont fait l’objet de nombreuses analyses. Si l’impact global sur la satisfaction des travailleurs fait l’objet de controverses, […] diverses études mettent en évidence l’effet positif sur l’effort et la productivité au travail de tels systèmes de rémunération.

Source : Marie Merlateau, Incitations monétaires, satisfaction et motivation au travail : les apports de la neuroéconomie, Document de travail ERMES, n° 11, 2011

 

A savoir : les asymétries d’information et le « risque moral » en économie

Lorsque des agents économiques veulent conclure une transaction, il arrive fréquemment que l’une des parties soit mieux informée que l’autre sur certaines caractéristiques importantes de cette transaction. On parle dans ce cas d’asymétrie d’information. L’une des partie au contrat peut alors essayer de profiter de son avantage informationnel, l’autre partie étant alors confrontée à un risque moral (appelé aussi aléa moral). Dans le cas d’une situation de travail, l'aléa moral intervient lorsque le salarié peut ne pas respecter ses engagements sans que celui avec lequel il a conclu un contrat (l’employeur) puisse déterminer sa responsabilité ou non de du fait de l’existence d’une asymétrie d’information (le salarié étant mieux informé que l’employeur).

 

1. Justifier - Expliquez en quoi l'expérience de Donald Roy, décrite dans le document 1, relève de la méthode de l'observation participante.
2. Expliquer et illustrer - Quels sont les résultats obtenus par Donald Roy qui lui auraient été difficiles à obtenir s'il n'avait mis en œuvre cette méthode ?
3. Justifier – Montrez que la situation décrite dans le document 1 correspond à une situation de « risque moral » telle que définie dans le document 2.
4. Argumenter et synthétiser : Complétez le tableau ci-dessous en relevant dans chacun des 2 documents les arguments qui d'une part montrent que la rémunération au rendement peut être source de conflits, puis ceux qui soulignent qu'elle peut être un vecteur de coopération. Conseil : précisez dans vos arguments qui sont les acteurs concernés (conflits « entre qui et qui ?», coopération « entre qui et qui ?»

 

 

La rémunération au rendement est génératrice de … :

conflits

coopération

Document 1

 

 

 

 

Document 2

 

 

 

 

 

 

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