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    Entretien avec Christian Thuderoz sur la négociation dans l'entreprise

    Entretien avec Christian Thuderoz, professeur de sociologie, Centre Max Weber et INSA / Université de Lyon, auteur notamment de Sociologie des entreprises (La Découverte, 1997, rééd. 2010), Sociologie de la négociation (avec R.Bourque, Presses Universitaires de Rennes, 2011), Négociations. Essai de sociologie du lien social (PUF, 2000), Histoire et sociologie du management (Presses Polytechniques Romandes, 2006) et Qu’est-ce que négocier? Sociologie du compromis et de l’action réciproque (Presses Universitaires de Rennes, 2010), Clefs de sociologie pour ingénieur(e)s (PPUR, 2011).

     

    Négocier dans la branche professionnelle ou dans l’entreprise : qu’est-ce que cela veut dire ?

    Fondamentalement, négocier signifie décider collectivement. LA négociation est ainsi un mode de prise de décision original. A la différence d’autres modes décisionnels, tels le suffrage universel, la décision de justice, la décision unilatérale, etc., ce sont les parties concernées qui, elles-mêmes, décident d’une décision d’action qu’elles ont conjointement construite. Pour décider d’un pourcentage d’augmentation annuelle des salaires, on pourrait en effet imaginer qu’il y ait un vote, comme dans la sphère publique, et que l’on compte les personnes en faveur de telle ou telle option. Sauf que l’entreprise n’est pas et ne peut être un espace démocratique régi par l’égalité des sujets de droit et le libre exercice de leur citoyenneté ; le salarié y est juridiquement subordonné et son employeur possède, en vertu de ses droits de gérance, le pouvoir de lui imposer ses propres décisions – la réciproque étant impossible. D’où ce deuxième mode décisionnel, fort courant dans l’entreprise : un seul – le patron – décide des conditions du travail de ces salariés. C’est ce qu’on appelle une décision unilatérale. Mais ce mode décisionnel se heurte souvent au désir de ces salariés de voir leur avis pris en compte, ou à leur refus de telle ou telle décision envisagée par l’employeur. Il y a donc conflit ; c’est-à-dire : divergence, désaccord sur la décision à prendre. Un juge, saisi du litige, pourrait rendre sa sentence ; c’est le cas dans les conflits au sein des couples, entre voisins, entre vendeurs et acheteurs, etc. C’est aussi le cas à propos d’une sanction ou d’un licenciement contestés par un ou des salariés : un juge, dit « des prud’hommes », extérieur au litige, tranche, et signifie aux parties sa décision.

    L’originalité du mode décisionnel qu’est la négociation, comparé à ceux qui viennent d’être énumérés, est qu’aucun tiers ne vient décider à la place des parties concernées, et qu’aucune personne seule ne le fait également, imposant sa solution aux autres. La négociation, disent les auteurs anglo-saxons, est un « joint decision-making process », un processus de décision conjointe. J’ajouterais à cette définition le complément suivant : cette décision conjointe concerne des règles – de travail, de relations au travail, etc. C’est là, à la différence d’une négociation marchande qui voit s’échanger des biens, ou plutôt des droits sur des biens, l’originalité de la négociation dite collective, dans la branche ou dans l’entreprise : représentants du personnel et direction y définissent, ensemble, des règles, qu’elles soient de procédure (comment elles vont s’informer, discuter et se concerter) ou de contenu (soit le « fond » : un niveau de rémunération, une manière de classer les emplois et les métiers, un horaire de travail, etc.). Une négociation collective est donc, pour reprendre le vocabulaire du sociologue anglais Allan Flanders, une « joint regulation », une régulation conjointe. Elle est une activité politique, disait-il, et pas seulement ou principalement économique, puisqu’elle vise à produire une « réglementation paritaire » – ce sont les termes de Flanders. Autrement dit : des règles y sont conjointement élaborées par des parties aux rationalités, aux pouvoirs et aux intérêts opposés ; mais qui parviennent néanmoins à s’accorder sur des manières de vivre-ensemble et de travailler dans l’entreprise, chacune trouvant intérêt à préférer cette façon de faire.

     

    Opposer conflit et négociation : cela a-t-il du sens ?

    Je serais radical : cela n’a aucun sens ! Conflit et négociation, loin de s’opposer, ne sont que deux faces d’un même phénomène, celui de la prise de décision. Qu’est-ce qu’un conflit du travail ? Réponse : un blocage du cours usuel de prise de décision dans l’entreprise. Dans 99 % des cas, les parties prenantes, dans l’entreprise, parviennent en effet, par le jeu de la consultation et de la concertation, plus ou moins facilement, à se mettre d’accord sur les actions à entreprendre face à tel ou tel problème. Parfois, elles n’y arrivent pas, parce que les uns en font une position de principe, ou parce que les autres sont persuadées de la justesse de leur position. Résultat : cela bloque, et les parties décident chacune de faire fléchir l’autre, d’obliger l’autre à modifier ses préférences. Par quels moyens ? Par la grève, par un blocage du portail, par une démonstration de force, etc., du côté des salariés ; et par une même démonstration de force, par la direction, qui refuse de discuter et de changer de point de vue. Ce blocage peut durer quelques jours, quelques semaines ; cela peut conduire à la fermeture de l’entreprise, si les deux parties s’obstinent à ne pas concéder.  Mais quel est l’enjeu de ce conflit ? Prendre une décision, à propos d’un problème de salaire, de condition du travail ou d’organisation de ce travail. Ou, ce qui revient au même : définir des règles, relativement aux rémunérations, aux conditions de travail, à l’organisation, etc. Chaque partie possède sa propre lecture de ce problème, ses propres solutions, et propose d’adopter certaines règles. Sauf que ces règles et solutions sont, puisqu’il y a conflit entre les parties, différentes, voire antagoniques : chacune propose, pour remédier au problème, une solution ou une règle que l’autre ne veut pas.

    Comment en sortir ? Justement, par une négociation. C’est-à-dire : par une tentative de définir ensemble, à partir des solutions et des règles proposées par chacune, une autre solution et une autre règle, jugées mutuellement acceptables. L’activité de négociation est donc bien un processus de prise de décision conjointe. Le conflit qui, parfois, oppose ces parties, est ainsi un moment, ou une séquence, dans le déroulement de ce processus décisionnel. Tout conflit n’est donc qu’une forme, originale, parfois violente, du processus permanent de négociation dans l’entreprise. Il surgit quand ce processus se grippe, quand les acteurs ont décidé « d’en découdre ». Mais chacun revient, de toute façon, à une table de négociation que tous n’ont jamais vraiment quittée… Dans son ouvrage avec Gérard Adam publié en 1978, « Conflits du travail et changement social », le sociologue Jean-Daniel Reynaud résumait cela fort bien : « Le conflit est la poursuite de la négociation par d’autres moyens »…

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