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    Activité 2 - Comment l’IVG a-t-elle été dépénalisée ?


    Objectifs :
    - introduire aux notions de stigmatisation et de retournement du stigmate
    - comprendre comment un phénomène social devient un problème public

     

    Document 1 : Extraits de « l’événement » d’Annie Ernaux (Gallimard, Folio, 2001)

    En France, une loi de 1920, renforcée par la suite, considérait l’avortement comme un crime. C’est en 1975 que l’interruption volontaire de grossesse a été dépénalisée et légalisée. Dans les extraits ci-dessous, l’auteure raconte l’avortement clandestin auquel elle a dû recourir, jeune femme, au début des années 1960.

    Extrait n°1

    L’auteure vient de se faire poser une sonde clandestinement pour provoquer l’avortement. Face à sa douleur, elle appelle son médecin. A demi-mots, elle lui avoue son acte. Celui-ci lui donne le nom d’un médicament anti-douleurs mais refuse de lui prescrire.

    Je suis entrée dans la pharmacie la plus proche en face du métro Paul pour acheter le médicament du Dr. N. C’était une femme : « Vous avez une ordonnance ? On ne peut pas vous le donner sans ordonnance ». Je me tenais au milieu de la pharmacie. Derrière le comptoir, deux ou trois pharmaciens en blouse blanche me regardaient. L’absence d’ordonnance signalait ma culpabilité. J’avais l’impression qu’il voyait ma sonde à travers mes vêtements. C’est là des moments où j’ai été le plus désespérée.

    Extrait n°2

    L’auteure finit par avorter clandestinement dans sa chambre étudiante seule. Elle perd beaucoup de sang. Une amie appelle alors le médecin de garde. Voici sa réaction :

    Il s’est assis sur mon lit et il m’a saisi le menton : « pourquoi as-tu fait ça ? Comment as-tu fait ça, réponds ! ». Il me fixait avec des yeux étincelants. Je lui suppliais de ne pas me laisser mourir. « Regarde-moi ! Jure-moi que tu ne le feras plus ! Jamais ! » A cause de ses yeux fous, j’ai cru qu’il était capable de me laisser mourir si je ne jurais pas. Il a sorti son bloc d’ordonnances, « tu vas aller à l’Hôtel-Dieu ». J’ai dit que je préférerais aller dans une clinique. Fermement, il a répété « à l’Hôtel-Dieu » me signifiant que la seule place d’une fille comme moi était à l’hôpital. Il m’a demandé de lui payer la visite. Je ne pouvais pas me lever, il a ouvert le tiroir de mon bureau et il a pris l’argent dans mon porte-monnaie.

     

    1) Justifier - Pourquoi l’avortement était-il considéré comme un crime avant 1975 (Loi Veil de dépénalisation de l'avortement sous conditions) ?
    2) Justifier - Montrez, à l’aide d’exemples du texte, que l’avortement fait l’objet de sanctions sociales autres que juridiques.

    Document 2

    La stigmatisation a été décrite par Erving Goffman comme un processus de discréditation qui touche un individu considéré comme « anormal », « déviant ». C’est au cours d’interactions sociales que le label de « déviant » est attribué à un individu par d’autres individus supposés « normaux ». Cette étiquette justifie alors une série de discriminations sociales, voire d’exclusion. La stigmatisation devient un véritable cercle vicieux lorsque la victime accepte et considère comme normaux les traitements discriminatoires qu’elle subit. S’engage alors une dépréciation personnelle qui débouche sur une altération de l’image de soi.

    Jean-Pierre Poulain, « Dimensions sociales de l’obésité », in Obésité, dépistage et prévention chez l’enfant, INSERM, 2000.

     

    1) Justifier - Montrez que le récit d’Annie Ernaux (doc 1) illustre le processus de stigmatisation tel qu’il a été décrit par Erving Goffman (doc 2).

    A savoir : La loi Veil est une loi française, promulguée le 17 janvier 1975, qui dépénalise l'avortement dans certaines conditions. Du nom de la ministre Simone Veil qui l'a proposée, cette loi complète alors la loi Neuwirth, qui légalisait la contraception à partir de 1972 (date des premiers décrets d'application alors qu'elle avait été votée en 1967). En outre, la Loi Veil légalise l'IVG (interruption volontaire de grossesse) qu'il ne faut pas confondre avec l'IMG (interruption médicale de grossesse pour raisons thérapeutiques). L'IVG est pratiquée sous l'unique volonté de la mère dans un délai en France de 14 semaines d'aménorrhées (soit 14 semaines depuis le premier jour des dernières règles, à ne pas confondre avec les semaines de grossesses dont le délai est à présent porté à 12), alors que l'IMG n'a pas de limites dans le temps et peut être pratiquée à tout instant de la grossesse dans le cas de malformations graves du fœtus ou encore en cas de danger vital pour la mère. (article 111 alinea 20) Source : Wikipedia


    Document 3 : Le manifeste des 343 femmes ayant déclaré avoir avorté (dit des « 343 salopes »)

    Un million de femmes se font avorter chaque année en France.
    Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples.
    On fait le silence sur ces millions de femmes.
    Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté.
    De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l’avortement libre. (…)


    Extrait du Manifeste paru dans le Nouvel Observateur n°334 du 5 avril 1971, rédigé par Simone de Beauvoir et signé par 343 femmes, parmi lesquelles de nombreuses personnalités (actrices, avocates, femmes de lettres, enseignantes, etc.)

     

    Document 4 : La Une de Charlie Hebdo la semaine suivant la parution du Manifeste

    pice jointe mail

    1) Analyser - Quel sens les signataires donnent-elles à l’affirmation publique de leur avortement ?
    2) Expliquer - La semaine suivant la parution du manifeste, et afin de soutenir l'initiative, l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo a fait sa "Une" avec la phrase « Qui a engrossé les 343 salopes ? » (Document 4) Pourquoi cette expression [« 343 salopes »] a-t-elle été reprise par les partisans du mouvement des femmes ?
    3) Illustrer - Proposez un autre exemple d’un groupe stigmatisé reprenant à son compte l’expression dépréciative employée à leur encontre.

     

    Document 5 : Affiche du mouvement pour la légalisation de l’avortement et de la contraception

    affiche-mlac

    1) Analyser - À l’aide de la fiche méthode « analyser un dessin de presse», analysez l’affiche.

     

    Document 6 : Manifestation du MLF (mouvement de libération des femmes), Paris, 1974

    photo-manif-mlac

     

    1) Analyser - Analysez le dessin sur la pancarte centrale (logo du MLF).
    2) Expliquer - À quelles normes les personnes qui manifestent s’opposent-elles ?
    3) Expliquer - Au nom de quelles valeurs le font-elles ?

    Document 6bis : Affiche pour la dépénalisation de l'avortement et la légalisation de la contraception (pillule notamment)

    affiche_mpf

    1) Analyser - Sur quel argument repose cette affiche du planning familiale (pro-dépénalisation IVG et légalisation contraception) ?


    Document 7 : Discours de Simone Veil à l’Assemblée nationale, première séance du 26 novembre 1974

    Lire la retranscription du discours (page 6998 et suivantes)

     

    Document 7bis : Extrait du discours de Simone Veil à l’Assemblée nationale, première séance du 26 novembre 1974

     

    […] Pourquoi donc ne pas continuer à fermer les yeux ? Parce que la situation actuelle est mauvaise. Je dirai même qu'elle est déplorable et dramatique.

    Elle est mauvaise parce que la loi est ouvertement bafouée, pire même, ridiculisée. Lorsque l'écart entre les infractions commises et celles qui sont poursuivies est tel qu'il n'y a plus à proprement parler de répression, c'est le respect des citoyens pour la loi, et donc l'autorité de l'État, qui sont mis en cause.

    Lorsque les médecins, dans leurs cabinets, enfreignent la loi et le font connaître publiquement, lorsque les parquets, avant de poursuivre, sont invités à en référer dans chaque cas au ministère de la Justice, lorsque des services sociaux d'organismes publics fournissent à des femmes en détresse les renseignements susceptibles de faciliter une interruption de grossesse, lorsque, aux mêmes fins, sont organisés ouvertement et même par charter des voyages à l'étranger, alors je dis que nous sommes dans une situation de désordre et d'anarchie qui ne peut plus continuer.

    Mais ? me direz-vous, pourquoi avoir laissé la situation se dégrader ainsi et pourquoi la tolérer ? Pourquoi ne pas faire respecter la loi ?

    Parce que si des médecins, si des personnels sociaux, si même un certain nombre de citoyens participent à ces actions illégales, c'est bien qu'ils s'y sentent contraints ; en opposition parfois avec leurs convictions personnelles, ils se trouvent confrontés à des situations de fait qu'ils ne peuvent méconnaître. Parce qu'en face d'une femme décidée à interrompre sa grossesse, ils savent qu'en refusant leur conseil et leur soutien ils la rejettent dans la solitude et l'angoisse d'un acte perpétré dans les pires conditions, qui risque de la laisser mutilée à jamais. Ils savent que la même femme, si elle a de l'argent, si elle sait s'informer, se rendra dans un pays voisin ou même en France dans certaines cliniques et pourra, sans encourir aucun risque ni aucune pénalité, mettre fin à sa grossesse. Et ces femmes, ce ne sont pas nécessairement les plus immorales ou les plus inconscientes. Elles sont 300 000 chaque année. Ce sont celles que nous côtoyons chaque jour et dont nous ignorons la plupart du temps la détresse et les drames.

    C'est à ce désordre qu'il faut mettre fin. C'est cette injustice qu'il convient de faire cesser. [...]

    http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/interruption/simone_veil_tribune-1.asp

    1) Résumer - Quels sont les arguments de Simone Veil pour défendre son projet de loi ?
    2) Discuter - Considère-t-elle l’avortement comme un acte « normal » ?
    3) Comparer - Utilise-t-elle les mêmes arguments que les mouvement féministes ? Pourquoi selon vous ?

     

    Synthèse : A partir de l’ensemble de l’activité, montrez que la « mise à l’agenda » de la légalisation de l’IVG résulte de la triple logique énoncée par le politiste Patrick Hassenteufel dans le texte ci-dessous.

     

    Document de synthèse : Comment les problèmes sociaux s’inscrivent-ils à l’agenda politique ?

    La notion d’agenda, que l’on peut définir comme « l’ensemble des problèmes faisant l’objet d’un traitement, sous quelque forme que ce soit, de la part des autorités publiques et donc susceptibles de faire l’objet d’une ou plusieurs décisions » (Garraud, 1990), n’a émergé dans l’analyse des politiques publiques qu’au début des années 1970 (Nollet, 2009). (…)

    Avant de décider de mesures de politiques publiques, les autorités publiques choisissent de traiter plutôt tels problèmes et de ne pas en traiter tels autres. La compréhension des processus de sélection des problèmes constitue, de ce fait, le premier apport des analyses en termes de mise à l’agenda. Elle suppose de prendre en compte notamment les logiques de mobilisation collective, de médiatisation et de politisation, auparavant fortement négligées dans les analyses de politiques publiques, et conduit à élargir le spectre des acteurs aux mouvements sociaux, aux médias et aux élus.

    La mobilisation

    Dans ce cas, l’initiative revient à des groupes plus ou moins fortement organisés, qui se mobilisent le plus souvent de façon conflictuelle avec les autorités publiques. Le soutien de l’opinion publique est recherché afin de faire pression sur l’État et de légitimer des revendications.

    La médiatisation

    La deuxième dynamique est celle la médiatisation. Si elle est parfois fortement liée aux mobilisations collectives, elle peut aussi avoir une certaine autonomie et dépendre principalement des logiques du champ médiatique. (…). Les médias hiérarchisent les problèmes par ordre d’importance pour l’opinion publique.

    La mise sur agenda d’un problème trouve donc souvent son origine dans des faits auxquels la promotion médiatique donne une forte audience.

    La politisation

    La mise sur agenda dépend aussi des bénéfices politiques (électoraux, symboliques, stratégiques…) attendus. Un enjeu de politique publique est politisé et mis en avant par un (ou plusieurs) acteur(s) politique(s) afin de renforcer sa (ou leur) position dans la compétition politique. Si cette modalité de mise sur agenda est la plus nette en période de campagne électorale, elle ne s’y limite pas.

     

    Hassenteufel Patrick , « Les processus de mise sur agenda : sélection et construction des problèmes publics »,

    Informations sociales, 2010/1 n° 157, p. 50-58

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