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    Entretien avec Anton Brender et Gaël Giraud

    • Anton Brender, professeur associé à l'Université Paris-Dauphine, Chef économiste chez Dexia Assets managment. Il a publié en 2009 avec Florence Pisani "La crise de la finance globalisée", La Découverte et "La crise des dettes souveraines" (avec F. Pisani et E. Gagna), La Découverte 2012

     

    • Gaël Giraud, Chercheur en économie au CNRS, membre de l’Ecole d’Economie de Paris. Dernières publications : "Vingt Propositions pour reformer le capitalisme", (co-dirigé avec Cécile Renouard) Flammarion, 2009 (revu et augmenté 2012), "Le Facteur 12" avec Cécile Renouard, Carnets nord, 2012, "Illusion financière" Les Editions de l'Atelier, 2012 et 2013 l Page professionnelle

     


    1) Pourquoi les marchés financiers se sont-ils tant développés depuis plusieurs décennies ?

    Anton Brender : La libéralisation financière  qui à touché l’ensemble des économies développés à la fin des années 1970 a rendu possible une croissance  spectaculaire de la place des marchés financiers. Elle ne peut toutefois  suffire à l’expliquer. Une force souvent oubliée à joué ici un rôle important : l’accumulation continue d’épargne, investie sous forme financière, par les ménages des économies développées a conduit à un progrès de   leur richesse financière. Cette accumulation aurait à elle seule conduit, dans le cas de la France  par exemple, à un quasi  triplement, entre la fin des années 1970 et celle des années 1990, de la valeur du stock d’actifs financiers détenus par les ménages rapportée à celle du PIB. Mécaniquement, toutes choses égales par ailleurs, cette dynamique de la richesse financière devait donc conduire à un quasi triplement du poids des marchés par rapport à l’économie réelle. Elle est loin toutefois d’avoir été seule à jouer car les choses ne sont pas restées « égales par ailleurs ». Ceux qui accumulent de l’épargne n’acceptent en générale pas de prendre le risque de la prêter directement à ceux qui vont l’utiliser : ce financement se fait au terme d’une circulation, au sein du système financier, des capitaux et des risques liés à leur investissement. La place des marchés dans cette circulation s’est elle aussi considérablement accrue : le rôle des marchés obligataires dans la circulation des capitaux s’est accru sous l’effet notamment, aux Etats-Unis en particulier, de la titrisation. C’est toutefois la montée des marchés  de produits dérivés qui a été l’innovation majeure des dernières décennies. Sur ces marchés ce ne sont plus des capitaux qui circulent mais seulement des risques. 

    Gaël Giraud : Depuis les années 1980, les marchés financiers se sont développés considérablement dans tous les pays du bassin atlantique nord et au Japon. La raison immédiate de ce développement est la dérégulation de ces marchés, entreprise, en France dès 1984. Délivrés des règles qui les contraignaient à servir étroitement au financement de l'économie réelle, ces marchés ont fini par acquérir une réelle autonomie à l'égard de l'économie réelle. Au point qu'aujourd'hui, les principaux cours boursiers occidentaux ont retrouvé les niveaux qui étaient les leurs avant le déclenchement du krach financier de 2007, alors qu'aucun signe venu de l'économie réelle des pays occidentaux n'indique que nous aurions trouvé la moindre issue à la gigantesque crise où nous a plongé la tempête boursière de 2008. On demandera : et pourquoi ce vent de dérégulation à partir des années 1980 ? Il provient du succès d'une espèce de "dogme", qui voudrait que les marchés financiers soient auto-régulés, efficients et bénéfiques à l'ensemble de l'économie. Ce dogme fonctionne comme une sorte de superstition : en dépit des mille démentis apportés aussi bien par l'histoire que par l'analyse économique, le mythe de l'efficience bienfaitrice des marchés continue d'habiter certains esprits --- de même que beaucoup ont cru, pendant longtemps, que la Terre est plate... 

     

    2) A quelles conditions le développement des marchés financiers peut-il être compatible avec la croissance et la stabilité économique ?

    Anton Brender : L’interaction entre la politique monétaire et les marchés a largement contribué à expliquer le maintien d’une croissance vigoureuse pendant les années 199O aux Etats-Unis. Pendant les années 2000, la globalisation financière rendue possible par le développement des marchés, a permis aux régions émergentes de connaître une période de croissance particulièrement vive. Dans les deux cas toutefois des crises  financières d’une violence exceptionnelle sont venues mettre un terme à ces épisodes de croissance soutenue. Ce que l’on oublie en effet régulièrement est que les marchés n’ont pas les propriétés de clairvoyance que leur prêtent certains théoriciens. Ils évaluent les risques qu’ils portent de manière très grossière et leur attitude face aux risques est fluctuante : ils sont de plus en plus prudents lorsque les choses vont mal  et de plus en plus complaisants lorsqu’elles vont bien. Nos systèmes financiers demandent dés lors à être soumis à des règles de prudence dont l’application est surveillée avec vigilance dans sa lettre comme dans son esprit. Mais cela ne saurait suffire : les autorités publiques doivent prendre en compte le fait que nos systèmes financiers ont des plages de stabilité relativement étroites : elles doivent en permanence veiller à les y maintenir et être capables  d’intervenir dans le fonctionnement même des marchés  pour éventuellement  les y ramener.     

    Gaël Giraud : A la condition sine qua non qu'ils soient profondément réglementés de manière que le "cycle du levier" y soit maîtrisé. Le cycle du levier, c'est la "montagne russe" que font les cours boursiers : tantôt ils enflent de manière irrationnelle parce que beaucoup d'opérateurs financiers pensent que les cours vont monter, puis ils s'effondrent de manière tout aussi irrationnelle parce que beaucoup d'opérateurs craignent que les cours ne baissent. Cette cyclothymie est malheureusement inévitable sur les marchés financiers. Le mieux que l'on puisse faire, c'est d'en limiter l'impact en réduisant la hauteur des "montagnes russes" par des réglementations contraignantes, et en isolant ces marchés de l'économie réelle. Par exemple, en séparant les banques de marchés des banques de crédit-dépôt, en vue de sécuriser ces derniers. 

     

    3) Après la crise financière, plusieurs pays ont nationalisé une partie importante du système bancaire. Faut-il envisager une mesure similaire en France ?

    Anton Brender : Même avec les crises récentes les nationalisations  de banques sont restées exceptionnelles et sont en principe destinées à être temporaires. On voit mal ce qui les justifierait aujourd’hui en France.   Bien sûr, on peut toujours se dire que des banques nationalisées seraient plus enclines à distribuer des crédits à ceux qui en demanderaient. Mais penser que l’on pourrait par ce biais relancer la croissance est illusoire. Ce qui freine aujourd’hui la conjoncture tient moins à la prudence plus grande dont font preuve les banques dans leur activité de crédit qu’à la faiblesse de la demande perçue par les entreprises qui les conduit ne pas avoir de raison d’investir beaucoup. Si l’on veut faire redémarrer la croissance, il faut briser la spirale déflationniste dans laquelle l’Europe s’est engagée. Une forte baisse de l’euro pourrait bien sûr y contribuer mais elle est peu probable.  A défaut les Etats européens n’ont guère le choix : il leur faudra ensemble décider de mener plus lentement leur retour vers l’équilibre budgétaire.  

    Gaël Giraud : Nous n'avons pas eu à le faire, en France, parce qu'aucune grande banque française, heureusement, n'a fait faillite. La Société Générale et le Crédit Agricole ont été renfloués grâce à la générosité du contribuable nord-américain... Cela étant, nos grandes banques sont en mauvaise santé : l'Agricole accuse 6 milliards de pertes en 2012 ; l'Etat français a dû mettre 85 milliards d'euros de garantie publique pour les pertes à venir de Dexia... Parmi les 8 banques les plus risquées d'Europe, figurent les 4 premières banques françaises (BNP-Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, Natixis-BPCE). Inversement, aucune de ces 4 banques ne figure parmi les 50 banques les plus "sûres" du monde. Parmi ces dernières, on trouve, en revanche, le Crédit Mutuel et la banque postale. A savoir, des banques qui ont très peu "joué" sur les marchés financiers. 

    Si une grande banque française devait faire faillite, nul doute que nous serions contraints de la nationaliser. C'est déjà ce qui s'est passé en Irlande, en Islande, en Grande-Bretagne. La vraie question qui se posera alors sera celle-ci : devrons-nous payer l'intégralité des dettes de nos banques ? De mon point de vue, la réponse doit être non. Ceux qui ont prêté aux banques et qui ont fait un mauvais pari (ils auraient dû savoir que nos 4 plus grosses banques sont en mauvaises santé) ont déjà été rémunérés pour le risque qu'ils ont pris. Il n'y a aucune raison de saigner les contribuables français d'aujourd'hui, leurs enfants et leurs petits-enfants à cause des bêtises des grandes banques. En plus d'être une injustice profonde, ce serait le meilleur moyen de condamner notre pays à la récession et à la misère. 

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